LEVINSKY ou LEWINSKI : le premier studio de Joinville
Les deux frères LEVINSKY habitaient Joinville, dans un pavillon situé à l’angle de l’avenue du Par cet de l’avenue Oudinot (à l’emplacement de l’école primaire de Pomlangis actuelle).*7* En 1900 Joseph LEVINSKY exerçait la profession de loueur de meubles pour le monde du spectacle dont plusieurs théâtres à Paris. Il possédait un terrain avenue Gallieni, (route de la Brie avant 1918), où il se fit construire un petit pavillon, encastré plus tard entre plusieurs ateliers)
Charles Pathé et Leon Gaumont se disputaient le marché du cinéma et avaient besoin de décors et de mobilier pour tourner leurs films. Ils firent donc appel au loueur de meubles de Joinville qui livrait ses clients chaque matin sur un chariot tiré par un cheval. Dès 1910 (ou 1908 ?) Levinsky se fit construire un « studio » (plutôt une baraque) de prises de vues pour le cinéma entre son entrepôt de meubles et son pavillon *22*p.12. . Au début ce plateau était éclairé par le jour, plus tard Levinsky y installa la lumière électrique et ainsi, jusqu’en 1921, le studio Levinsky était le premier studio « obscur » de France *13*p.7, *22*p.12. Son beau-frère Jules gèrait les finances et les dépense sans compter. Son fils Henri mit au point les projecteurs électriques pour le studio. Plus tard il insonorisera celui-ci. Plusieurs films y ont été tournés avec l’acteur Louis FEUILLADE (qui avait incarné FANTOMAS en 1913 dans le film réalisé pour le compte de Gaumont *5*.
Serge SANDBERG : Fondateur de Cinéroman
Né en 1879 en Lituanie, décédé à Paris en 1981
Depuis 1901 Serge SANDBERG avait été l’un des collaborateurs de Charles Pathé qui l’envoyât à Moscou, à Berlin et dans autres capitales (Budapest, Bucarest…) pour y créer des filiales de Pathé (entre 1902 et 1907). En 1907 lorsque Pathé divisa la France en 5 zones déterminant le nombre d’exploitations des films « Pathé Frères » , Sandberg prit la région des Pays de Loire où il créa les premières salles fixes de cinéma (Angers, Le Mans, Nantes…) da ns le cadre de sa Société « Cinema-théatre » *5* Il ouvrit également le « Tivoli » à Paris , une salle de 2.000 places avec un orchestre de 30 musiciens pour accompagner les films muets. Avec le distributeur Louis AUBERT il fonda l’ « Aubert Palace » dans le quartier de l’Opéra. Louis Aubert, de son coté, commença de tourner des films dans « un entrepôt de Joinville-le-Pont », (probablement dans le studio de Levinsky).
Pendant la guerre de 14/18 Serge SANDBERG fut le distributeur des films militaires pour le compte du service cinématographique de l’armée et devint producteur des films « René Navarre » *5*
En mars 1919 Serge Sandberg créat les quatre studios de la Victorine à Nice. De plus, la même année, il rachetait la Société ECLAIR à Epinay pour la sauver de la faillite. Le 19 Septembre 1919 Serge Sandberg fonda à Paris la «Société des Cineromans» *4*p.83 et prit comme directeur artistique et technique à Nice René NAVARRE de 1919 à 1922 *5* Huit films seront tournés à Nice selon des scénarios écris par Gaston Leroux et Arthur Bernède.
Jean SAPENE : les premiers grands films
En 1922, Jean SAPENE qui dirigeait le journal « Le Matin » achèta les actions de la Société Cinéromans à Serge Sandberg et nomme Louis Navarre directeur artistique et technique *5*
Sapène voulait que les textes de ses films paraissent dans les colonnes de son journal *4*p.82. Deux ans plus tard Jean SAPENE achète leurs studios (les bâtimets mais pas le terrain) à Joseph Levinsky. C’est désormais à Joinville jusqu’en 1927/8 que seront tournés les films de CINEROMANS ainsi que des longs métrages de cette société.*5*
En 1920 Charles Pathé vend ses studios (Vincennes et Montreuil) ainsi que son appareil de production (l’usine de Joinville et la fabrication des projecteurs Pathé Rural) à la nouvelle Société Pathé Consortium Cinéma dirigée par le banquier Denis RICAUD et d’autres banques.*4*p.21. En 1925 la Société Pathé Consortium Cinéma quitte Vincennes pour s’installe à Joinville pour etre rachetée par Jean Sapène en 1927.*4*p.24, *22*p.12. .
Au N°20 de l’avenue Gallieni on édifie un studio obscur dont le directeur sera Château.. Ce studio comprenait cinq « théâtres de prises de vue » munis chacun de tous les perfectionnement techniques et de la puissance lumineuse *13*p.7*22*p.12. Le magazine « Ciné de France » décrivit le 1er Juillet 1927 que les studios de Sapène étaient aménagés à Joinville par le directeur du « Matin » pour ne rien laisser au hasard et pour un rendement maximum d’efficacité économique : théâtres de prises de vue, usine électrique, quartier des robes, salon de coiffure dames et hommes, loges individuelles pour chaque artiste avec douches, ateliers, restaurant……*13*p.9 Un an plus tard, en 1928 c’est la construction d’un grand studio moderne pour la Société Cinéroman au N°22 de l’avenue Gallieni. 13*p.8.
Arthur Taksen, propriétaire du terrain des studios raconte : …..Sapène était fou amoureux de l’actrice Claudia VICTRIX a qui il a fait construire à Joinville une loge invraisemblable : une suite comme on n’en voyait pas chez Ritz…
Jacques FEYDER tourne « Crainquebille » en 1927 et Marcel LHERBIER (en 1928), « l’Inhumaine » et « l’Argent ».*13*p.10. Jean DREVILLE, encore photographe de plateau, lui consacre son premier documentaire « Autour de l’Argent ».avec une caméra et quelque argent de Marcel et des chutes de films récupérés…..
Malheureusement, deux années plus tard, Sapène était au bord de la faillite *4*p.47 Il est vrai que les conditions de travail avaient changé : avant 1914, les studios avaient leur personnels à l’année (décorateurs, metteurs en scène, machinistes, cameraman….). Après la guerre nombreux étaient les réalisateurs qui voulaient louer les studios et travailler avec leur propre personnel. Deux ou trois personnes mettaient de l’argent dans un film qui devait etre bien structuré (plan de travail, acteurs…)*13*p.7
Société PATHE-NATAN : l’age d’or du cinéma
Le 1er Mars 1929 Bernard NATAN rachète Cinéromans à Sapène ainsi que les six studios de Joinville.*4*p.48 . . De plus il achète en même temps Pathé-Consortium Cinéma que SAP7NE possédait également *4*p.81.*13*p.10. Avec Charles Pathé il fusionne les deux sociétés Pathé-cinéma et Rapid-Films (sa propre société) et lui-même est nommé administrateur délégué (PDG) de la nouvelle société Pathé-Natan *4*p.47. A cette époque la Société Rapid-films regroupait les deux studios de Francoeur (un ancien entrepôt de matériau de construction), un labo de traitement et quelques salles.
Natan voyait grand et voulait relancer le cinéma français face à la concurrence américaine.Il lui fallait des studios *4*p.47 et des salles. Il possède alors 8 studios : 6 à Joinville, 2 à Francoeur. Il en construira trois autres plus tard *4*p.84,*22*p.12. .
En 1923 c’est l’architecte Armand DENIS qui construit pour le compte de CINEROMANS de SAPENE, un ensemble de 7 plateaux sur le studio de Levinski *22*p.12. Les studios de Joinville étaient disposés sur un terrain de 16.500 m² entre l’avenue Gallienui et l’Avenue Joyeuse. Leurs dimensions étaient les suivantes :
Studio A : L = 22m, l = 12m, h = 7m
Studio B : L= 45m, l = 18 m, h = 10m50 et une piscine de 6x4m
Studio C : L = 12m, l = 8m, h = 6m
Studio D : L = 35m, l = 17,5m, h = 13m
Studio E : L = 36m, l = 14m, h = 9m et une piscine de 12x8m
Studio F : L = 33m, l = 25m, h = 14m
Studio G : L = 25m, l = 16m, h = 14m.
L’une des piscines avait des parois laterales en glace pour permettre des vues sous-marines et la température de l’eau était maintenue à 25°C. Un autre studio était équipé d’une glace de 4x6mètres pour la réalisation de scènes par transparence. Les différents studios étaient groupés de telle sorte qu’ils communiquent entre eux ce qui assure toutes les possibilités de la production. De plus ils étaient tous insonorisés des bruits extérieurs selon la technique américaine. Les très grands décors pouvaient être construits soit sur un terrain situé à proximité des studios (la future avenue Hugedé) soit à quelques centaines de mètres (terrain de l’actuel stade municipal). Enfin une sous-station d’électricité pouvait fournir jusqu’à 25.000 ampères pour alimenter les 620 unités à arc et à incandescence. Le site comportait également de nombreux ateliers de peinture, de staff, de décors, de maquettes, de menuiserie, de mécanique, et de costumes….…..*16*
Le 12 Avril 1929 (12 jours après sa nomination) Natan créé la Société de Gérance des Cinémas Pathé » qui gère de nombreuses salles à Paris auxquelles il ajoutera les 60 salles achetées jusqu’au mois de mai 1930 à Paris et en province *4*p.73 En 1928 il produit , dans les studios Cineromans, le film « l’Argent » de Marcel LHERBIER (4 millions de frs) et surtout il participe avec AUBERT et l’anglais Maxwell à la production du film « La merveilleuse vie de Jeanne d’Arc » de MARCO de GASTY (8 millions de frs) *4*p.65
En véritable « Père » de l’entreprise de Joinville, Natan avait fait construire des pouponnières près des plateaux. *4*p.18. Les employés pouvaient également se baigner, l’été, dans la baignade Pathé sur la Marne. En 1034, pour épauler la lutte de l’archevêque de Paris contre le chômage, il envisage même de bâtir une église au milieu des studios. Vœux pieux, Notre Dame du Cinéma ne verra le jour qu’à l’occasion d’une fête sous la forme d’une pièce montée !
Mais Bernard Natan fut bientôt confronté à plusieurs problèmes : le cinéma parlant, l’hypergonaér et la télévision.
1927 marque le début des films parlants aux U.S.A. En France on n’en voulait pas malgré le succès du « Chanteur de Jazz » (de la Warner Bros, avec Al Jolson) présenté par AUBERT en Janvier 1929 *4*p.71. D’une part il fallait équiper les salles, changer les appareils de prise de vue, insonoriser les studios et d’autre part remercier certains acteurs qui n’avaient pas de voix…..(et le public ne voulait pas les voir partir) De plus il fallait adopter un procédé standard d’enregistrement du son (Allemand ? Américain ?). En Septembre 1929, il n’y avait encore que 118 salles sur 4.000 équipées pour le parlant *4*p.73 Enfin pour pouvoir exporter les films parlants à l’étranger, ceux-ci devaient être tournés en plusieurs langues. La postsynchronisation ne vint que bien plus tard.
Les premières années du cinéma parlant étaient marquées par la sortie des rands films tel « Les misérables » de Raymond BERNARD. Vu sa longueur, ce film avait été tourné en trois épisodes qui furent projetés à Paris en même temps chacun dans une salle différente avec un horaire décales de telle façon que le public pouvait suivre l’ensemble du film le même jour ! *13*p.11. Les acteurs de ce film étaient : Hednri BAUR (Jean Valjean), Cjarles VANEL (Javert), Jean SERVAIS (Marius), Josseline GAEL (Cisette), FMORELLE (Frantine). Charles DULLIN et Marguerite MORENO incarnaient les Thénardier.
Le professeur CHRETUEN qui venait de quitter la Société KELLER-DORIAN (inventeur du procédé D.K.B. des films en couleurs) déposât son brevet de l’HYPERGONAR le 9 décembre 1926 *4*p.92 Ni l’allemand TOBIS ni l’américain PARAMOUNT ne s’y intéresssèrent. Par contre Natan rachèta la « Société Technique d’Optique et de Photographie S.T.O.P. (qui pouvait fabriquer l’Hypergonar) en décembre 1929. Quelques séquences de « La vie merveilleuse de Jeanne d’Arc » de Marco de GASTINE (entre 1927 et 1928) et de «*4*p.18. La femme et le rossignol » d’André HUGON ont ét été tournées avec l’Hypergonar. Mais le grand écran n’eut pas de succès auprès du public. Même Abel GANCE utilisa trois projecteurs pour ses vues sur grand écran. En 1952 l’américains RKO importera ce procédé optique sous le nom de CINEMASCOPE. RKO avait reçu gratuitement les droits sur l’Hypergonar de la Société Nouvelle Pathé Cinéma, à la grande déception de Claude AUTANT-LARA *4*p.92
C’était également le début de la télévision en 1930. Le 14 Octobre 1930 Bernard NATANN s’associe avec l’anglais BAIRD pour exploiter ce nouveau système. Mais cette privatisation de la télévision fut mal perçue par l’état français (Georges MANDEL ) qui se réserva le droit de la développer lui-meme dès 1935 *4*p.89.. La télévision fut vraiment commercialisée aux USA dès 1940.
Ce fut également le début du film en couleurs. En 1934 Bernard Natan se rend aux Etats Unis pour obtenir une option pour l’Europe sur le nouveau procédé TECHNICOLOR. Malheureusement, de retour en France, aucun industriel ou banquier ne voulut financer ce projet. De ce fait l’anglais Alexandre KORDA prit cette option et fournit l’Europe entière avec des films en couleurs. *4*p.155. Le procédé Technicolor fut exploité bien plus tard à Joinville.
Alors qu’en 1929 il ne restait pratiquement plus rie de la firme du coq, Pathé Natan était devenue le première firme cinématographique de France qui possédait jusqu’en 1936 :
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